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sauve-toi, va changer de hardes. Tu diras à Florentin de m’amener la charrette sur les quatre heures.

Il tremblait lui aussi, le grand valet ; le froid l’avait saisi pendant qu’il s’occupait de son compagnon. Sa chemise mouillée lui glaçait les épaules et la poitrine.

— Vais-je me laisser geler, moi aussi ? pensa-t-il ; jamais de la vie !

Il secoua la tête comme un bœuf rétif qui ne veut pas se mettre au joug. Il n’était pas de ceux qui cèdent.

Les dents serrés, il se baissa, jeta son chapeau ; ses épaules dédaigneuses bousculèrent deux grands choux qui lui versèrent toute leur eau sur la tête, et, aussitôt, au milieu de l’immense tremblement des feuilles froides et mouillées, il se mit à taper comme une bête folle.

— Ouf ! en voilà un qui pèse plus de deux cents.

Rouge, en sueur, malgré le froid de cette lugubre soirée, Florentin tira sa fourche du fagot qu’il venait de mettre sur la charrette.

Par la cheintre qui commençait à s’assombrir, Séverin venait, lourdement chargé, patouillant dans la glaise détrempée. Il s’approcha à son tour, mit le manche de sa fourche à terre, puis, d’un rude effort, jeta par-dessus les ranches l’énorme botte de feuilles ; la tête des bœufs tressauta.

C’était le dernier fagot ; les deux hommes secouèrent leurs sabots et arrangèrent leur coiffure.

— Ça y est ! à la soupe ! dit Florentin.