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enfants, d’une ferme « là-bas », bien loin, dans un pays plein de soleil où elle aurait une grande maison avec des fenêtres.

Vers le soir, elle eut un moment de paix et reprit un peu ses sens. Elle demanda à voir les petits. Elle les reconnut tous et les embrassa ; mais comme Georgette se tenait près du lit, elle se mit à la caresser en disant de sa voix étrange, de sa voix « d’ailleurs » :

— Oh ! la petite ! les beaux yeux d’eau ! Vois donc, Charles, les beaux yeux clairs… apportez les ablettes… j’ai mangé toute la crème…

Les enfants, saisis, se serrèrent les uns contre les autres. Leur mère se tourna vers la muraille ; tout à coup, de la ruelle, monta une chanson grêle, fredonnée à mi-voix :

Quand Mathurin va-t-au moulin,
Drelin, drelin, vire !
C’est point pour y fair’moud’son grain,
Drelin, drelin, din !

Louise, qui sanglotait sur une chaise, se redressa, folle, les mains en avant.

— Je veux m’en aller ! j’ai peur ! j’ai peur ! La Gustine entraîna les cinq enfants pendant que la mourante criait à son tour :

— Emmenez-moi ! défendez-moi, oh ! la bête ! le creux-de-maison ! Je veux m’en aller !

Elle s’en alla quatre jours plus tard, dans une bière mince, l’ancienne petite meunière du moulin de la Rue ; et derrière elle, par le chemin Roux, descendirent tous ceux des Pelleteries.