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Les cailloux non plus ne sont pas pareils. Le pays est grenant, paraît-il, mais la paille vient courte. Je crois que les champs du Jaria ne sont pas tous fameux ; il y a de bonnes terres dans la contrée, mais vous pensez bien que les gens du pays les gardent pour eux ; ils ne sont pas si bêtes ! Nous avons un carré de vigne ; des années ça rapporte beaucoup. En tous les cas, on boit plus de vin ici que chez nous ; on en boit jusque chez les travailleurs, et tous les jours ; nous avons de la luzerne qui est belle ; elle vient bien dans le pays. La prairie est bonne ; le maître nous a dit que nous ferions de la mulasserie ; nous ne nous y connaissons pas, mais nous ferons tout comme le maître voudra, parce que nous sommes de moitié et parce qu’il n’a pas l’air mauvais. C’était lui qui faisait valoir avant nous, maintenant il s’est retiré dans le bourg ; il nous a laissé l’endroit en assez bon état et monté de presque tout. Ce n’est pas avec l’argent que nous avions, que nous aurions pu prendre une métairie de trente hectares chez nous. Ce qui nous manque le plus, ce sont des bêtes. Il faut vous dire qu’ici on les garde tout le temps avec des chiens ; c’est l’occupation des femmes et des drôles. Chez nous, c’est un jour Fridoline, un jour Louise ; Louis VI et les petites commencent à y aller le jeudi. Le dimanche, les gars se promènent dans les champs et ils vont avec les filles qui gardent les bêtes.

Richelieu me dit de vous dire que Fridoline a déjà trouvé un galant qui est riche : mais c’est une menterie.

Ça fait que nous sommes neuf à la maison : papa, Richelieu et moi pour l’ouvrage, maman pour la cuisine. Fridoline et Louise pour les bêtes, donc, et les trois plus jeunes pour les sottises. Les quatre qui sont gagés viennent nous voir tous les dimanches. Il n’y a que Gonzague qui nous manque ; quand il reviendra du régiment, je ne sais pas s’il voudra habiter ici ; peut-être va-t-il se marier et rester dans le Bocage comme Églantine. S’il fait cela, il sera un sot.

C’est pour vous dire que nous ne nous plaignons pas pour le moment. Il faut travailler bien sûr, en Charente comme ailleurs, mais on est chez soi. Au pays, nous aurions bien