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Jamais il ne les avait battus avant ce jour ; mais il parlait d’une voix très dure parce qu’il n’avait point failli et parce qu’il savait l’honnêteté difficile aux pauvres.

À partir de ce dimanche, les enfants ne rapportèrent plus guère de châtaignes ; la saison, d’ailleurs, en passa vite ; on fut bientôt en plein hiver et la grande misère recommença encore une fois.

Delphine, pendant toute la mauvaise saison, travailla tant qu’elle put et se priva durement.

Elle avait son idée.

Un matin de mars, elle sortit de l’armoire quatre pièces de cent sous et un peu de monnaie.

— Tiens, dit-elle à Séverin, j’ai ménagé cela pour avoir une chèvre.

Lui, qui croyait le tiroir vide, fut bien surpris de voir tout cet argent.

— Tu ne comptais pas sur cette attrape ! reprit-elle fièrement. J’en ai tiré des quenouillées pour gagner ces trente francs ! et l’on n’a pas pris le café tous les matins, va !

Dès la première année de leur mariage, il avait été question de cet achat, mais ils avaient reculé à cause des ennuis probables. Quand on n’a pas de terre, il est difficile d’élever des bêtes.

Séverin délestait la maraude ; il répondit sans ardeur :

— Alors, tu veux, avec ça, acheter une chèvre ; ça va faire des embêtements. Les voisins sont regar-