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diants qui vont le long des routes béquillant et clochant ; bonne grange, on n’y est pas chiche de paille.

Séverin fut vite accoutumé à sa nouvelle condition. Il était va-devant. Après lui venait un second valet et les fils, Jacques et Florentin, l’un de dix-huit ans, l’autre de quinze, tous les deux ardents à l’ouvrage, bien qu’un peu mastocs comme le père.

À la maison, il y avait deux filles qui aidaient la patronne.

Un grand fils aîné et un plus jeune étaient morts en quinze jours quelques années auparavant. Chauvin ne s’en était pas consolé : il parlait peu et d’une voix toujours grave.

D’ailleurs, il avait, sans qu’on le sût, d’autres tracas. Ses affaires n’allaient pas, il avait des dettes. Depuis la mort du gars, il fallait un grand valet de plus, et encore avait-on bien de la peine ; la terre, en effet, sans être mauvaise, était malaisée, compacte, lourde comme pâte ; les pluies de printemps la rendaient inabordable.

Surtout le Pâtis était affermé beaucoup trop cher. La première année que Séverin passa chez Chauvin fut l’année de la sécheresse ; année mauvaise pour tous, année fatale aux petits cultivateurs qui vivaient au jour le jour.

Un été superbement bleu brûla la terre. Le printemps ayant été frais, les labours de mars avaient fait dans les champs d’argile du Pâtis de grosses mottes luisantes ; elles devinrent si dures par la suite, ces mottes, qu’on les aurait prises pour d’énormes briques contrefaites. Les plants de betteraves et de choux ne