Puis il leur tourna le dos et se dirigea vers l’échalier ; avant de sortir du pré, il cria encore :
— Frédéri Loriot, prends garde au cherche-pain !
Et aussi :
— Venez-y donc tous, tas de feignants ! feignants ! feignants !
Il s’en fut dans la grange ramasser les menus objets qui lui appartenaient. Ayant réuni dans une vieille blouse deux mitaines de gros cuir qui lui servaient à fagoter, une pierre à aiguiser et une petite forge à battre les ferrements, il jeta le paquet sur son dos avec ses hardes qu’il n’avait pas reprises, puis décrochant sa faucille qui était piquée au portail, il s’en alla.
Lorsqu’il arriva aux Pelleteries, Delphine assise sur la pierre du foyer était en train d’endormir la petite. Elle poussa un cri :
— Hé ! qu’y a-t-il ? qu’as-tu ?
Il avait jeté son paquet à terre :
— J’ai que je viens d’enrager[1], fit-il d’une voix sourde.
— Tu viens d’enrager ! Ce n’est pas vrai, mon Dieu ! Elle se leva et, ayant couché l’enfant, vint à lui toute apeurée.
— Dis, ce n’est pas possible ! Ta chemise est déchirée ! Tu t’es donc battu ?
— Oui, on s’est battu ; le Fédéri m’a fait des reproches et j’ai tapé ; ça devait arriver.
- ↑ Enragé se dit au pays de Bocage d’un valet qui quitte son patron pour cause de fâcherie