Page:Pérochon-Le Chemin de plaine.djvu/92

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rire de paysanne traînant et doux que j’aime aussi. Et je hais les rires trop bruyants qui éclatent sans rime ni raison ; je n’aime pas les rires sirupeux d’ivrognes et ces rires gras des personnes trop nourries.

Je connais des rires très rares et des rires communs. Il y a des rires qui rappellent la voix des merles ou des geais ou des chiens ou des porcs. Beaucoup de femmes rient comme des oies. Mme Valine rit comme une jument.

Il y a des gorges où sonne l’argent, d’autres où tinte un clair bruit d’eau, d’autres où grincent des bouts de tôle.

Il y a le rire baveux des nourrissons, le rire frais des enfants, le rire roulant des jeunes gens et ce rire si drôle qui sort de certains vieux, ce rire long, saccadé, semblable au bruit que ferait un bidon mal bouché secoué dans un tape-cul.

Il y a le rire sardonique et le sourire des anges. Il y a le rire de Démocrite, le rire de Rabelais, le rire de Méphistophélès ; il y a le « hideux sourire » de Voltaire.

Il y a… je n’en finirais pas.

Je n’entends rien dans tout ceci qui ressemble au rire… comment dirais-je ? au rire cabré de mon beau-frère.

Je n’entends pas non plus l’écho du rire qui m’a charmé ici, l’été passé, chez Mme Bérion. Celui-ci est le plus beau de tous ; c’est un rire incomparable ;