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2 octobre, 7 h. 1/2 du matin. — Je viens de déjeuner sur le pouce, fort mal. J’ai ouvert ma fenêtre ; il bruine ; l’ennui coule du ciel par mille trouées invisibles.

Il n’est pas bon de rabâcher, comme je l’ai fait hier soir, les raisons que l’on pourrait avoir de se plaindre. J’ai mal dormi ; j’ai eu des rêves maussades et fatigants.

J’ai passé des examens, j’ai raté des trains, j’ai moissonné des chardons, j’ai enseigné des enfants bouchés, mais là, littéralement : des enfants en forme de bonbonnes avec des casquettes vissées.

Et ce qui rendait surtout ces rêves pénibles, c’était d’entendre derrière moi rire mon beau-frère. Barreau ne m’a pas lâché d’une semelle cette nuit. Il riait dans un immense entonnoir et le bruit m’arrivait énorme, prodigieux, total.

Pauvre diable ! il ne rit pas tant que cela ; il ne rit pas si fort. À l’habitude il fait entendre un ricanement sur une note haute qui s’arrête court. C’est froid et insolent. Que de fois aux Écotières ce ricanement m’a-t-il agacé ! j’aurais préféré des jurons et des injures. Tous mes nerfs se crispent encore de souvenir.

En vérité. Barreau a un rire singulier ; je ne l’apparente à aucun autre.

Et pourtant les rires sont innombrables. J’en connais mille, aimables ou détestables.

J’aime le rire discret de maman ; ma sœur a un