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je ne suis pas assez fou, tout de même, pour avoir l’air d’un pauvre modeste et honteux.

Sur les sept heures, je sortis voir la fête.

À dix pas de chez moi, je rencontrai Tricoche et sa femme. Ils s’en allaient ; ils en avaient assez.

— Au revoir, me dit ce bon ébéniste. Les autres n’en finissent pas, je me sauve. Le 14 juillet, ça me rabote. Si tu veux trouver Mitron, va à l’autre bout de la place. Il paye des confetti à une demi-douzaine de dames ; méfie-toi, elles t’en colleront sur la figure.

— Ça ne tiendra pas, dis-je, je suis verni.

Et je marchai à l’ennemi.

Je rencontrai en effet Mitron avec cinq ou six dames plus ou moins institutrices. Il faisait fort gaiement la roue. Je devinai à ses gestes insouciants qu’on avait dû, chez M. Godard, boire copieusement à cette vieille Révolution.

D’ailleurs beaucoup de gens autour de nous étaient heureux et forts. Les pompiers, les facteurs et les musiciens proféraient des paroles démesurées. Deux vieillards, occupés à poser les lanternes municipales, échangeaient des lazzi d’une jovialité simple et franche. Les enfants jetaient des bombes aux nuées et soulevaient une poussière héroïque.

Mme Valine, contre son habitude, ne prenait aucune part au bruit. Elle boudait, telle une ci-devant amenée de force à un bal de sans-culottes.

— Seriez-vous par hasard indisposée, madame ?