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Elle se mit à rire comme toujours. Son rire lui tient lieu de parole. Cela serait tout à fait bien si son rire ressemblait à certaine roulade claire que je n’ai entendue qu’une fois et qui, cependant, tinte encore à mes oreilles. Mais le gosier de Mme Valine a des sonorités métalliques et dures et son rire ressemble à un hennissement.

Après tout, ce n’est pas surtout pour son rire… Je me tenais ces raisons et d’autres également benoîtes, vers midi, en dégustant mon dessert des grands jours, à savoir un cigare à dix centimes et une sévère lampée d’eau-de-vie.

J’envisageais sans trop de fièvre la possibilité d’attirer cette veuve dans mon sentier. Mme Valine a bien des avantages, mais ce n’est tout de même pas absolument mon affaire. Elle a déjà tué un homme et c’est quelque chose, cela !

Il existe par le monde tant de jolies filles, à peu près neuves. Il ne faudrait pourtant, me disais-je, qu’un tout petit hasard du Bon Dieu…

Mais je suis bien laid, bien pauvre, bien mal vêtu ! et je suis bien dédaigné en ce Lurgé de malheur ! Pas de danger qu’il m’invite, moi, cet arpenteur d’arrondissement ! Je l’attends aux élections prochaines ; dès maintenant je bois à la veste de l’expert-géomètre.

Pensant cela, je vidai lestement mon verre. Or, ma liqueur est, je l’ai déjà noté, très âpre et mon verre est sérieux.