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caisse, il est vrai, mais je ne répands pas dans les rues des propos désordonnés et des malpropretés naturelles. Tous mes gestes sont compliqués par la civilisation. Je suis un individu médiocre, croyez-le. Dans mon cœur comme dans le vôtre un cochon ronfle, mais d’autres bêtes hurlent, sifflent, chantent, roucoulent.

Je suis peut-être cynique par instants ; je ne le suis pas toujours. Je ne l’étais pas ce matin en faisant un conte à mes élèves ; je ne l’étais pas tout à l’heure en écrivant à maman.

Le suis-je, même, en ce moment ? Comme vous, madame Valine, mieux que vous peut-être, je goûte l’apaisante douceur de ce beau soir d’été. Par ma fenêtre ouverte, la nuit vient. La nuit rampe, m’environne et m’assiège : mais ma lampe me défend et j’ai au ciel d’autres lumières amies. La tranquillité des choses entre en moi. C’est l’heure paisible où tout cède et pardonne. Toute violence meurt.

Il n’y a peut-être pas de violence ; il n’y a peut-être pas de méchants.

Il n’y a que de pauvres êtres qui se débattent. Il ne faut jamais juger ni maudire.

Frtt !… un coup de vent. Sur la route un refrain saugrenu. Tout au fond de moi, une voix qui ricane :

— Ah ! Ah ! de la douceur, de la bonté, du pardon… Attends un peu, je vais t’en f… !