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ses saletés et prend son temps ! on dirait que le mécanicien veut me tenter. Si j’avais de l’argent, je prendrais un billet de deuxième classe pour la ville prochaine…

Un coup de sifflet… Les voilà donc parties ! Je me rassérène… avec un peu d’amertume. Cette belle aventure entrevue et manquée me laisse une sorte de regret qui ressemble à du remords.

J’ai des rêves moi aussi, mais ils ne filent pas dans le bleu comme une nuée de vives hirondelles. Ils n’ont que des ailes d’anges et leur petit derrière est lourd. Ils ne sont pas fichus de suivre un train-brouette.

— Comme ça, monsieur regarde passer le train.

Je me retourne : c’est Mme  Évrard.

— J’ai regardé en effet passer le train, comme ça… Maintenant je ne saurais regarder que vous, madame.

— Oh !

Un petit geste de la main : une mouche passe. Elle vient chercher un colis et elle éprouve quelque timidité : l’employé est farouche. Justement, le voici ; sous le demi-parapluie de ses moustaches, on aperçoit un porte-plume en travers de sa bouche.

— Risquez-vous, madame. Voyez, il a le mors aux dents et pourtant il ne s’emballe point. Ce n’est pas un mauvais cheval.

Mme  Évrard prend son colis, signe et s’en va, mais l’employé :