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ment dire, avec des mots pâteux, cette fuite de l’eau limpide ?

Lorsque nos pipes furent allumées, Évrard dit :

— Maintenant, dors ; ne blasphème plus.

— Je ne dormirai pas, répondis-je. On ne peut pas s’ennuyer ici ; tout à l’heure j’étais une brute.

— Tu te vantes. L’eau qui coule est un spectacle attrayant pour les brutes. Les hommes primitifs ont tous aimé l’eau. Je me refuse à croire que le besoin seul les ait guidés lorsqu’ils se sont installés sur le bord des rivières. Une rivière est assez belle pour qu’on l’aime pour elle-même.

Un des premiers étonnements de l’enfant est l’eau ; un de ses premiers gestes est de saisir l’eau à poignée ; jusqu’à dix ans notre plus grand plaisir a été de barboter.

Il serait facile de compter les gens qui ont horreur de l’eau. Le plus crasseux usurier, le plus dur exploiteur, le plus infâme trafiquant de chair misérable rêve de finir ses jours, dans un chalet au bord d’une rivière…

Je te le dis : un pré vert où coule un joli ruisseau par un matin de soleil, voilà une des indiscutables beautés du monde. C’est moins grand que le ciel, mais c’est plus proche et mille fois plus simple…

— Poète I interrompis-je, ton bouchon f… le camp I

Il reprit sa ligne. Je m’en fus chercher des appâts et j’essayai, deux heures durant, de pêcher aussi.