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manche à balai ou le sabre du géant Sinnagog… Après deux ou trois tentatives infructueuses, je me mis à sacrer avec quelque impétuosité.

— Il serait convenable de faire moins de bruit, dit Évrard.

— Bon, maintenant ! dire que je n’ai pas le moindre journal, la moindre brochure, le moindre prospectus !

— Fume !

— Je suis à jeun.

— Alors, mangeons !

Comme nous n’avions rien apporté, je dus encore aller au moulin. J’y fis l’emplette d’un solide croûton et d’un fromage assez violent. Je ne recule point devant les saveurs les plus rudement agrestes ; Évrard non plus ; le fromage entier y passa. Ce déjeuner arrosé d’eau claire me remit de belle humeur.

D’ailleurs le moment était aimable. Le soleil, bas encore, éclatait entre les branches. Nous étions assis sur l’herbe. Devant nous, l’eau transparente s’en allait doucement. À vingt pas en aval une petite cascade murmurait une chanson claire… Je m’arrête. J’ai lu cent descriptions mieux faites que celle que je voulais tenter et toutes étaient inexactes, insuffisantes. On ne peut pas traduire la beauté simple d’un matin ingénu, la joie mesurée des réveils innocents, la légèreté de l’air, la jeunesse des feuilles et surtout la fluidité de l’eau. Com-