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Mesdames, j’ai vingt-trois ans et je suis le jeune homme pauvre.

Il faut dire que mon âme n’est pas une pelouse fleurie comme celle de Champcey d’Hauterive. C’est plutôt un jardin anglais négligé avec des ronces hargneuses et d’insolents gratte-cul.

Mes allures non plus, ne sont pas particulièrement distinguées. Je ne sais pas monter à cheval et je n’ai jamais tenu une épée. En revanche, je saute six mètres, je nage comme un requin, je lutte et je marche sur les mains.

M. d’Hauterive ne savait peut-être pas marcher sur les mains.

10 mai. — Nous surveillions des élèves punis, Évrard et moi.

L’un d’eux broncha, se mit à pouffer. Je l’interpellai :

— Dédé, viens ici !

L’enfant, un blondin de six ans, s’approcha et leva vers nous des yeux tranquilles.

— Monsieur, ce n’est pas moi.

— Comment ! je t’ai vu ! Pourquoi dis-tu cela ?

Évrard, intéressé, se pencha et saisit entre ses deux mains la tête de l’enfant.

— Regarde ces yeux ! admire cette limpidité bleue, ces petites taches d’or qui dansent ; on dirait une mer adorablement pure brisant sur des galets