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Scandale ; enquête… Mais moi, un jour d’ennui terrible, recru de détresse et d’isolement, je me présentais à une caserne et je signais un engagement de quatre ans pour la Légion Étrangère.

Ils ont dû me chercher à Bizerte pour finir leur enquête… Mais il n’y avait plus de Maximin Tournemine ; il y avait, à Saïda, un certain Luc Travel, matricule 742.

Un bon soldat ce Luc Travel, vivant sans trop de heurts sa dure vie mécanique ; un pauvre diable en somme, comme tous ceux qui sont là-bas sous la capote grise. Des périodes de calme, des mois d’un service ponctuel et puis, de temps en temps, la haine atroce du métier, le chagrin immense d’être, pendant d’interminables jours, le matricule 742 entre John, matricule 741, et Hans, matricule 743… Quand le « cafard » avait ainsi travaillé sourdement pendant quelques semaines c’étaient des bordées terribles, des querelles, de la prison…

Un dimanche qu’il s’était enivré dans un bouge avec des camarades maltais, il paria de tomber un légionnaire allemand très gros et véritablement fort. Malgré sa souplesse et son habitude de la lutte, il eut de la peine à ébranler le colosse ; il n’y parvint que par une prise irrégulière. Alors, tous les autres Allemands qui étaient là se jetèrent sur lui et il resta sur la terre du bouge avec une patte cassée.

Quand il sortit de l’hôpital, il boitait légèrement ; on le réforma et il disparut.