Page:Pérochon-Le Chemin de plaine.djvu/26

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

suivant la diagonale. Mais je n’eus pas de cauchemars comme à l’habitude. Je ne rêvai point que j’étais enfermé dans un cercueil trop court ; je ne pédalai point pour faire tourner un volant bloqué. La diagonale avait du jeu.

En somme, tout est pour le mieux à condition que l’éventrement ne s’accentue pas. Je vérifierai l’état des choses un de ces jours. Ce soir je ne peux pas m’attarder aux détails. Je ne vois que l’ensemble : l’ensemble est satisfaisant.

J’ai un lit ; j’ai une table sur laquelle je place un énorme bouquin de philosophie que j’ai acheté quinze sous à une vente. Je l’ai acheté neuf, mais je l’ai fatigué par des artifices rapides.

Sur ma table un lait pur, dans mon lit un œil noir.

J’ai une table, un buffet, une chaise et un lit : c’est plus qu’il n’en fallait au vieux pompon romantique.

Il est vrai que je n’ai pas « l’œil noir ». Mais je n’en ai pas besoin : où le mettrais-je ? Je ne vois pas bien une femme chez moi. S’il me faut des amoureuses, je saurai en trouver d’impondérables qui ne me gêneront pas. L’histoire et la légende en fourmillent ; la littérature aussi. J’en connais de fameuses, d’Hélène à Béatrix, de Cléopâtre à Manon, J’appellerai Manon ; elle viendra bien ici : c’était une fille sans façons.

À moins que je n’aille trouver Lisette aux champs. Car, enfin, j’ai vingt-trois ans.