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1912. — Je suis seul, ma porte est verrouillée ; ma femme, d’ailleurs, ne rentrera guère avant la nuit. J’ai du temps devant moi. Je puis, d’une main lente et pieuse, ouvrir ce coffret, feuilleter ce vieux cahier, relire ces lettres, dérouler ces lourds cheveux.

Une nappe de soleil est étendue sur ma table. La lumière, cruellement jeune et pure, accuse les flétrissures : le coffret est bosselé, taché, râpé ; les lettres ont pris sur les bords une teinte d’ambre clair ; ma main elle-même est grasse, lourde et velue. Seul, ses cheveux vivent leur éternelle jeunesse. Ce sont les mêmes reflets soyeux, la même souplesse, presque la même tiédeur. À les voir si vivants, j’ai comme une brusque et délicieuse absence de mémoire, quelque chose comme la secousse achevant un mauvais rêve, le choc bienfaisant débrouillant un écheveau de choses obscures, pénibles et irréelles.

Hélas ! il y a dix ans…

Ah ! le temps où toutes ces boucles dansaient dans la fine lumière !