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Qu’ai-je fait, moi ? Je crois que j’ai refermé la porte et que j’ai pris mon veston.. puis j’ai dû m’approcher d’elle, car elle s’est jetée en arrière.

Elle était blanche comme une morte, avec des lèvres dansantes. Elle s’est adossée au mur, ici, près du buffet ; et elle était très mince, très grande, avec des bras inertes, paralysés, collés à son corps ; ses yeux seuls vivaient.

J’ai dû balbutier :

— Qu’y a-t-il enfin ? Qu’y a-t-il ?

Elle m’a répondu d’une voix de délire, grelottante et désaccordée :

— C’est odieux !… Ne m’approchez pas ! C’est épouvantable !… J’en mourrai !…

Puis un grand cri soudain :

— Elle est votre maîtresse !

Et ses yeux sont morts. Elle s’est affaissée le long du mur, comme frappée d’une balle. J’ai étendu les bras juste à temps.

Puis, j’ai été fou, N’ai-je pas ouvert la fenêtre et appelé Mme Michaud ! Par miracle, personne ne m’a entendu. Je l’ai déposée sur mon lit et j’ai cherché à la ranimer. Mais je n’ai plus d’eau-de-vie, plus de vinaigre, plus de vin… mes provisions sont épuisées depuis un grand mois. Heureusement elle est revenue vite à elle. Comme je continuais à lui mouiller les tempes, elle m’a demandé de l’eau sucrée. Je lui ai donné un verre d’eau en lui disant :

— Je n’ai pas le moindre morceau de sucre.