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Je puis pardonner à mes ennemis. Dans le bonheur je suis très capable d’oubli. Si tout va bien, je ne saurai peut-être plus l’année prochaine que M. Alliez est un mauvais chef, Mme Évrard une vicieuse poupée, M. Godard un drille qui paie ses maîtresses en mauvaise monnaie… Mais si l’on touche à Josette, je ne l’oublierai jamais ; et que Mme Olivet prenne garde ! ma haine serait implacable.

20 mars. — C’était la première fois que nous nous rencontrions hors d’une maison, dans la douceur des champs. Une idée de moi, ce rendez-vous, une toquade. Josette s’y est prêtée de bonne grâce, sans pruderie. Elle a imaginé une visite à ses cousins des Pernières et c’est elle qui a fixé l’heure et le lieu de notre rendez-vous : deux heures de l’après-midi, dans l’Allée Verte.

Je suis arrivé le premier. L’Allée Verte n’est verte qu’en été ; en ce moment elle est encore noire. C’est un large sentier entre deux taillis.

Je me suis caché derrière un gros arbre et j’ai épié son approche. Quand je me suis montré, elle est venue plus vite, d’une marche ailée, avec des yeux de victoire. Et elle m’a tendu ses lèvres avec une ardeur étrange.

Nous nous sommes assis sur un vieil orme abattu et écorcé. Le soleil tombait dru sur les arbres ; les