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quinze francs, je parie… Cependant, je ne m’arrête pas à cette idée. Maman mange sur le pouce, elle, là-bas, dans sa petite maison. Vais-je aller m’installer, moi, à une table d’hôtel avec des commis voyageurs et des marchands de bœufs ? Vais-je me faire servir par une pauvre bonne femme toute pareille à maman ? Je mangerais mal, j’aurais des remords.

Et puis je veux être seul ; j’ai un besoin farouche de liberté. Donc, un réchaud, quelque vaisselle, des œufs, du fromage, du pain… J’ai trouvé ici un buffet en bois blanc : louons les dieux.

Je ferai, j’espère, de sérieuses économies. Je pourrai acheter quelques estampes, quelques livres, un flacon d’essence parfumée et du tabac fin, du tabac blond comme des cheveux d’enfant.

Peut-être même pourrai-je faire l’emplette d’un lit, l’année prochaine. Pour le moment, je couche dans le lit de l’institutrice adjointe. Malheureusement l’institutrice adjointe ne l’habite plus, ce lit ; elle est partie à cause des bonnes sœurs. Je ne noterais pas cette particularité de mon installation si l’on faisait des institutrices de six pieds. Mais cette espèce est médiocre et n’exige que de petits lits.

Si encore ces lits étaient larges et confortables.

Celui dont j’ai hérité n’est rien qu’un étroit rectangle de fer avec une mince paillasse et une lichette de matelas. Je ne m’inscris dans le rectangle qu’à la condition de couvrir une stricte diagonale. Hier