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Ce précieux garçon a été jardinier à l’École. C’était bien le plus paresseux et le plus maladroit des jardiniers de France. En le remerciant, je lui ai donné, comme de juste, les certificats les plus élogieux, grâce auxquels il est entré à l’hôtel de l’Univers. Un bienfait n’est jamais perdu…

En votre affaire, ajouta M. Legrand, une chose m’étonne ; c’est que votre camarade Évrard ne soit pas inquiété. Vous devez avoir un ennemi, un spécial ennemi… Mais nous le démasquerons… Allons, au revoir ! Bon courage !

Je m’en fus vers la gare un peu ragaillardi, mais mourant de faim. Il était deux heures après-midi et je ne devais partir qu’à cinq. Je me résolus à manger, ne fût-ce qu’un peu. J’avisai donc la plus modeste des gargotes et, au « Monsieur déjeune ? » de la patronne, je répondis :

— Non… je prendrai seulement un bout de n’importe quoi, une bouchée de fromage par exemple, histoire de boire un verre…

Mais la gargotière, habituée aux ruses des clients aux dents longues, faméliques mangeurs de pain, m’apporta en effet une bouchée de fromage et quatre ou cinq bouchées de croûte, « histoire » sans doute, de faire passer l’aigre piccolo qu’elle m’avait d’abord servi dans une bouteille sale.

Pendant que j’expédiais ce repas d’infortune, une silhouette connue se dessina sur le trottoir d’en face… Mme Evrard ! oui… Mme Evrard…