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Enfin, comme il me restait du temps à dépenser, j’ai songé à mon ancien directeur d’École normale et je me suis présenté chez lui.

En toute justice, j’aurais dû commencer ma journée par là. M. Legrand est le seul ami que j’aie au chef-lieu. J’ai eu plaisir à retrouver sa poignée de main accueillante, son éternel sourire de sceptique indulgent et fin.

J’étais entré chez lui avec l’intention de m’informer de sa santé toujours chancelante… et je n’ai parlé que de mes petites affaires. Je n’ai rien su cacher ; je me suis détendu… Ses yeux gris me pénétraient de bonté et, dans ce petit cabinet surchauffé où, jadis, j’ai été tant de fois réprimandé, je me suis trouvé soudain à mon aise, à mon aise comme je ne l’ai jamais été nulle part, si ce n’est chez maman.

Ma confession terminée, M. Legrand me dit :

— Ne vous tracassez pas trop… je verrai l’Inspecteur d’Académie. C’est un fort galant homme quand son intestin fonctionne. Le tout est de choisir le moment.

— C’est une question de chance.

— Pas pour moi. J’ai des renseignements par le garçon de l’hôtel où il prend ses repas. Quand M. l’Inspecteur murmure : « Mon ami, une demi-Vittel », il n’y a rien à faire… Mais quand il arrive « Broum ! Broum ! garçon ! du Médoc !… un peu sec ! » la voie est libre…