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fais aujourd’hui, je le ferai demain, malgré tous.

— Je baise vos mains adorées.

— Vous baisez des mains impies. Vous savez comment sont élevées les petites bourgeoises : respect des volontés familiales, douceur, modestie, obéissance, effacement, ce sont les vertus cardinales ; l’idéal, c’est la jeune fille aux cils baissés qui reçoit un fiancé des mains de sa mère. Moi, je brise ces règles…

— Ma belle révoltée, n’exagérez pas vos scrupules ; les circonstances sont particulières.

— C’est vrai ; je n’ai plus de mère, moi… je n’ai plus de mère.

À ces mots ses fines lèvres ont tremblé et ses yeux se sont remplis de larmes. Je l’ai attirée à moi ; elle a posé sa tête sur mon épaule et nous sommes restés ainsi un long moment.

Elle parlait lentement et tout bas.

— Il faudra m’aimer beaucoup. Jusqu’à présent je n’ai guère été gâtée… Je n’ai pas connu maman ; j’ai été élevée par des servantes… Au lycée je n’ai eu que des camarades… Papa n’a jamais eu le temps de s’inquiéter beaucoup de moi ; il est bon cependant ; ces temps derniers on me l’a changé… Personne ne m’aime, excepté vous.

— Je vous aimerai pour tout le monde. Je vous ferai des jours tièdes, toute une vie d’amitié… Nous sommes jeunes, nous avons du temps devant nous.

— Qui sait ?