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fort aimable. Nous l’avions souvent à la maison… quasi tous les soirs.

Je dresse l’oreille. Tous les soirs ! Avec moi, ça ne prendra pas.

Quoique jeune, je suis un vieux routier : j’ai déjà eu trois directeurs. Aussi pourquoi ai-je accepté ce déjeuner ? Je connais pourtant bien l’engrenage : l’accueil du premier jour, les petites prévenances qui lient, puis les menues exigences, les grandes exigences, les canailleries sournoises… Je me revois secoué sur la chaîne sans fin des capitulations journalières et sans force pour lâcher le « zut » libérateur.

Et ça va recommencer ! Ah ! mais non ! je file !

Mme  Michaud parle, parle… Elle prononce « meillieur, » « trois heures-zet-demie… » Un flot d’huile coule.

Mais je n’y suis plus. Ce petit vent d’amitié quasi maternelle a soufflé à rebrousse-poil.

Je ne songe qu’à fuir. Tel un chat mal gracieux qui se sauve quand la caresse s’allège, je vais bondir au premier prétexte. J’ai déjà pris mon élan plusieurs fois. Vais-je me risquer ? c’est assez périlleux.

Il est très facile d’arriver ; tout le monde arrive. Mais combien peu de gens savent partir, et, surtout, combien peu savent s’évader.

Un… deux… trois… Ça y est. Ce n’était pas compliqué. J’ai dit :