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mination et je n’en sortirai pas. Ce chemin mène à l’abîme.

Les sciences exactes sont peut-être utiles aux banquiers et aux chefs d’État. Dans la carrière d’un instituteur adjoint elles ne servent qu’à faire rater le brevet supérieur. Leurs solutions ne s’appliquent pas aux fonctionnaires de ma catégorie ; elles prouvent, clair comme le jour, qu’il leur est impossible de vivre. Un stagiaire qui penserait sincèrement que 2 et 2 font 4, n’aurait qu’à sortir de la vie par les voies les plus rapides.

Heureusement, il n’en est pas d’aussi naïfs. Chacun s’arrange, trouve un petit compromis qui lui permet de vivre quand même. Tous les misérables ont des trucs.

Notre budget, si nous prenions la peine de l’établir, fourmillerait d’équations où la fantaisie le disputerait à l’invraisemblance et devant lesquelles tous les calculateurs du monde s’arrêteraient, épatés.

Nous, nous résolvons ça par des artifices de cuisine.

Seulement, le mariage est une complication très grave. Je prévois que la situation va demander une ingéniosité beaucoup plus grande. Mais je ne veux pas me tracasser en vain ; si je suis misérable dans dix ou quinze ans, je le saurai et puis voilà ! J’ai le temps d’y penser. Je ne me préoccupe que de l’année en cours.