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ma chaise elle me manquerait ensuite extrêmement ; de plus Jeandrille pourrait me demander des comptes.

Restons au lit. Il est tard d’ailleurs ; il sera bientôt temps de se coucher pour les gens qui se sont levés ce matin. Quelle heure est-il au juste ? Ma montre prétend qu’il est deux heures, mais il pourrait tout aussi bien être huit heures, ou six, ou douze ; toutes les minutes sont pareilles sous ce ciel grognon.

Cependant, ce matin, en sortant du bal, j’ai vu le soleil. Je l’ai même montré à Josette. C’était un pauvre vieux soleil bien changé, sans verve, sans chic, fichu. Il a eu honte de se promener avec une figure pareille, il s’est vite caché ; il a bien fait. Mais, depuis, l’univers a mal aux cheveux. Il souffle un vent maussade et il doit tomber une espèce de neige.

Eh ! qu’il neige, qu’il pleuve, qu’il vente ! Mon cœur est illuminé comme un matin d’avril. Cette journée ne compte pas, c’est la nuit dernière qui compte… Cette nuit blanche étincellera toujours ma vie.

Dans ce décor pitoyable, pendant cette exhibition ridicule, pendant le bal surtout, ce pauvre bal de village, mon émotion a été si douce et si profonde que je ne connaîtrai peut-être jamais rien de tel. J’étais caché moi, souffleur, d’un côté de la scène avec Josette. J’étais seul avec mon amie. Elle avait