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13 janvier. — Ce matin j’ai passé sous sa fenêtre. Amoureux moderne, j’y suis passé à bicyclette et je lui ai donné l’aubade avec une trompe nickelée.

Par malheur sa fenêtre est loin de la route, tout au fond d’un jardin, et j’ai été obligé de passer vite.

J’ai filé sur les Pernières comme pour une course urgente, puis j’ai fait demi-tour. À l’entrée du bourg, la route fait un crochet assez brusque : il n’est pas ridicule, il est même prudent, d’avertir à cet endroit. J’ai donc à nouveau pincé ma poire. Puis, devant la grille, je me suis donné le ridicule de l’homme qui perd son chapeau. Il m’a fallu descendre et j’ai eu le temps de voir un rideau se soulever… Oh, timidement ! mais enfin je ne me suis pas abusé, c’était elle. Seulement, à cette distance, on ne peut rien dire avec les yeux.

Elle s’est dérangée à son tour cette après-midi. Elle est venue chez Mme Bérion pendant que je donnais ma leçon. J’ai reconnu son pas et sa voix m’est arrivée, très assourdie, à travers la cloison. Si elle était restée dans la cuisine, j’aurais eu besoin d’une douzaine d’allumettes ou d’une boîte de haricots ; mais Mme Bérion l’a entraînée au premier — et pas même sur ma tête.

Maintenant, je ne désire rien tant que la revoir.

Si je n’avais la certitude de la rencontrer samedi à notre « générale », je ne sais pas de quelle folie je serais capable.