resté plus de six mois dans une situation peu brillante.
Vers le mois de janvier, je signifiai ma misère à M. l’inspecteur d’Académie. Il eut la politesse de me répondre. Voici sa réponse, émondée de toutes les circonlocutions administratives : « Vous n’êtes pas le seul, monsieur Tournemine… Ce n’est pas ma faute. »
Ce n’était pas sa faute, en effet. Il y avait dans le département cinq ou six vieux de soixante ans qui demandaient depuis longtemps leur mise à la retraite. Mais l’Administration n’avait pas le sou et l’Administration se disait :
— Ces vieux, des retraites ! des nèfles ! Encore trois mois de travail, encore six mois… Ils finiront bien par en mourir, ces birbes.
Moi aussi, je n’avais pas le sou, et, moi aussi, je me surprenais à songer :
— Ils ne vont donc pas se décider à… il n’y en aura donc pas un assez courageux pour…
Grands dieux ! quelles pensées ! Comme les honnêtes gens sont près des coquins !
Cependant ces vieux ne mouraient point. Ils mettaient à vivre un entêtement de mauvais aloi, une sorte de coquetterie goguenarde et cruelle.
À Pâques, on s’est décidé à retraiter deux des plus vigoureux. On a bien fait : j’aurais fini par en envoûter un.
Maintenant, je suis « placé ». Qu’ils vivent ! qu’ils