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venus nous voir, nous féliciter, nous encourager.

Autre guitare !

Ils ont donné dix francs pour la fête et ils prennent des allures de protecteurs. Papa Godard tapote les joues de Joséphine Cailleton ; il tutoie toutes ces demoiselles ; il connaît les familles… D’une voix glacée, je coupe court à ces effusions.

— Messieurs, vous permettez ? nous continuons ; nous n’avons pas de temps à perdre.

Et nous continuons en effet. Mais j’ai l’œil ouvert. Je vois les deux vieux qui s’installent dans un coin avec Irma Quitter, une petite sœur d’Anna qui va sur ses seize ans. Pauvre gosse, la voilà toute rouge. Attendez un peu, mes vieux singes ! Ne vous imaginez pas que pour dix francs vous aurez le droit d’empester nos coulisses.

Je m’approche et j’arrête sur le groupe des yeux froids comme le Spitzberg. La gamine se lève comme pour me faire place et, soulagée, respire très fort. Mais je ne m’assieds pas. Eux viennent à moi et le gros notaire, familier, me tape sur l’épaule.

— Hein ! mon gaillard ! vous ne devez pas vous embêter… Si j’avais votre âge !

Moi, très sec :

— Il n’est jamais trop tard pour mal faire, monsieur.

Les voilà qui clignent de l’œil en me désignant Thérèse Forestier, la plus jolie, sans contredit, de la bande. Le notaire renifle et fait claquer sa langue.