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pières ouvertes ; il n’éblouit pas. Je débute dans la pauvreté et j’irai, d’année en année, de hameau en hameau, par petites étapes médiocres, jusqu’à la retraite, la triste retraite.

Je vois mon avenir. Ce n’est pas une grande route. C’est un de ces chemins de plaine où ne passent que des laboureurs, un de ces chemins étroits, mais sûrs, où l’on marche en se balançant parce que la terre colle aux pieds.

Je ne m’en écarterai pas de peur des précipices.

Et puis je n’aime pas voyager. Comme tous ceux qui sont vraiment casaniers, je ne crains pas l’ennui.

J’ai des amis qui seraient d’enragés voyageurs s’ils en avaient les moyens. Il y a comme cela des gens dont la joie est de vagabonder à travers la vie. Je n’arrive pas à les comprendre. Que cherchent-ils ? Que fuient-ils ? Peut-être ne voient-ils le monde qu’en largeur… peut-être leur âme est-elle laide… Je m’arrête à cette hypothèse : ces bohémiens que ne retiennent ni l’attrait délicat des choses familières ni la prodigieuse aventure des rêves, ces bohémiens sont des criminels ou des fous.

Moi, je suis un sage, par voie de conséquence directe. Hop ! n’exagérons pas… et surtout ne nous empêtrons pas de logique : la logique conduit aux pires absurdités.

Tout cela à cause d’un petit chemin de plaine. Ma verve m’emporte ; il faudra que je surveille cette tendance.