méchants. Mais je suis tranquille : celui qui les a fait mourir saura faire le tri. Ceux que je détestais cuiront au soleil des tourments ; les autres sont nés pour la béatitude éternelle des coins obscurs.
Cela est conforme à la logique et à ce sentiment d’invincible justice qui est si fort au cœur des cloportes…
Cette certitude me donne la force de continuer à vivre ma vie douloureuse en attendant que mon tour vienne. Car mon tour viendra ; je passerai comme les miens ont passé, comme d’autres passeront sans que rien soit changé dans cette prodigieuse maison éternelle…
Ayant ainsi pensé, mon cloporte va chercher l’abri d’un vieux journal et vaquer à ses petites affaires. Il va recommencer à agir, à manger, à faire l’amour, à se battre. Il sera peut-être un héros de roman ; qui sait s’il ne deviendra point un grand sage ou même, s’il est ambitieux et fort, le prince des cloportes ?
Cela aura à ses yeux une importance énorme. Il dira :
— Moi, j’ai tenu mon rôle ; je n’ai pas été un de ces individus obscurs qui ne laissent rien après eux.
Cependant, je l’écraserai par mégarde ; et peut-être tout son peuple avec lui.
Nous sommes de pauvres cloportes qui nous don-