Page:Pérochon-Le Chemin de plaine.djvu/111

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Si vous ne vous plaignez pas, je vous plains, moi.

— Allons, mademoiselle, c’est aujourd’hui fête ; tout est permis aux pédagogues. M. Buc m’apprend que votre voix est douce comme la voix des tourterelles des bois : nous vous prions tous de chanter comme vous fîtes l’an passé.

Elle hésite, rougit.

L’aubergiste nous verse un petit saumur à bon marché qui mousse, pétille et fait illusion.

— « Ceux qui sont amoureux, leurs amours chanteront », dit M. Buc.

— Vous entendez, mademoiselle : c’est un ordre ! Si vous ne chantez pas, nous serons tous bien fâchés. Elle se lève et chante. À mesure que sa voix s’affermit, son visage s’éclaire, elle rajeunit. Quand elle s’assied, elle n’a pas plus de vingt ans. Elle lève son verre devant le mien et, que Dieu lui pardonne ! elle le vide sans sourciller.

Quelle orgie ! voilà du bonheur pour une année…

Après le banquet, je la conduis à sa voiture ; une petite charrette à âne, basse, étroite, sans ressorts, minable. Elle va parcourir quinze kilomètres, assise sur une planchette, à côté de la vieille sourde, sa compagne habituelle.

Elle part après un salut cérémonieux. La fête est finie ! L’âne trotte d’un trot sec et pointu qui secoue terriblement la charrette…

Je n’ai pas envie de sourire, vraiment. Pauvre