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Ce n’est pas que sa vie soit bien gaie dans ce hameau. Elle vit seule dans une grande maison délabrée et ne voit jamais personne. Comme elle est très peureuse, une voisine, une vieille femme sourde, vient coucher chez elle. Les veillées sont bien longues et bien longs les jours de congé. Le moindre voyage est pénible et compliqué ; aussi ne sort-elle jamais. Si elle avait seulement quelques livres…

— En somme, mademoiselle, je vois bien que toutes les heures, là-bas, ne sont pas drôles.

Elle se ressaisit et dit d’un air brave :

— Non ! mais il faut débuter ! Je ne me plains pas.

Petite recluse, vous avez raison de ne pas vous plaindre : cela ne changerait rien.

Mais je devine ce que vous ne dites pas. Je vous vois, l’hiver, au milieu de vos grands élèves ricaneurs et insolents. Je vous vois, le dimanche, derrière votre rideau : les filles du village s’en vont à la promenade tête nue, toutes leurs frisettes au vent et les gars les suivent hardiment. Vous, mademoiselle l’institutrice, vous avez à peine le droit de traverser le village : restez à la maison !

Je sais que plus d’une fois vous avez envié le bonheur des servantes de ferme. Je sais que vous avez rêvé, soupiré, pleuré et que personne ne s’en est jamais inquiété…

Bientôt, vous ne rêverez plus, mais peut-être pleurerez-vous encore secrètement.