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chez les jésuites

des impériosités de Samas. Esprit subtil, psychologue par goût et religieux de bonne foi, il s’accusait d’avoir singulièrement mêlé à la sollicitude la recherche sentimentale.

Sa bénignité pour Agûr, qu’un autre eût renvoyé depuis longtemps, attestait une involontaire prédilection envers l’être exceptionnel. À l’aspect de cet élève si partialement mené, oubliant toute gratitude, le jésuite n’avait pas souffert, mais un côté jusque-là obscur de l’âme humaine lui était apparu.

D’une famille de robe ruinée, entré aux jésuites après l’ennui de l’existence de petite ville, il ne connaissait que le vice pour l’avoir fui, et l’amour pour l’avoir lu.

Or, l’infériorité des directoires moraux éclate en ceci que leurs rédacteurs n’ont pas vu le péché vivant dans ses hauts exemplaires. Eh ! combien sont-ils, ces privilégiés téméraires devant qui la vie passionnelle a dévoilé ses mystères ? Ces deux imbéciles duc et millionnaire qui, semant leur fortune, ont traîné leur jeunesse de la terrasse des cafés aux mauvais lieux très chers, n’ont vu de la Beauté et de l’Amour que ce qu’aurait entendu de la musique un abonné du grand Opéra de Paris, conservatoire des flonflons pour commis voyageurs.

Peu d’êtres vivent la passionnalité, moins encore la passionnalité consciente : sans vivacité ni conscience, le phénomène passionnel se résout à rien, car l’acte en lui-même ne signifie que pour les brutes ; l’être in-