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DE LA DEUXIEME VERTU

La nuit est l'endroit, la nuit est l'être où il se repose,

où il se retire, où il se recueille. Où il rentre. Et il en sort frais. La nuit est ma plus

belle création. Or pourquoi l'homme n'en use-t-il pas. On me dit qu'il

y a des hommes qui ne dorment pas la nuit. La nuit est pour les enfants et pour ma jeune Espérance ce qu'elle est réellement. Ce sont les enfants

qui voient et qui savent. C'est ma jeune espérance Qui voit et qui sait. Ce que c'est que l'être. Ce que c'est que cet être la nuit. C'est la nuit qui est

continue. Les enfants ssavent très bien. Les enfants voient très

bien. Et ce sont les jours qui sont discontinus. Ce sont les

jours qui percent, qui rompent la nuit Et nullement les nuits qui interrompent le jour. C'est le jour qui fait du bruit à la nuit. Autrement elle dormirait. Et la solitude, et le silence de la nuit est si beau et si

grand Qu'il entoure, qu'il cerne, qu'il ensevelit les jours mêmes. Qu'il fait une bordure auguste aux agitations des jours. Les enfants ont raison, ma petite Espérance a raison.

Toutes les nuits ensemble Se rejoignent, se joignent comme une belle ronde,

comme une belle danse De nuits qui se tiennent par la main et les maigres

jours Ne font qu'une procession qui ne se tient pas par la

main.

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