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camaros inconnus avec qui je jacasse aujourd’hui toutes les semaines, y en a bougrement qui n’ont jamais reluqué le commencement de mes flanches.

Pour ceux-là, afin de faire plus ample connaissance, je vas leur servir quelques tranches des tartines de mon premier numéro, qui parut le 24 février 1889.

Voici :


Si rigolboche que ça paraisse, ça y est, me voilà journaliste.

Comment c’est venu, en quatre mots le voici : depuis un brin de temps, un tas d’idées me trottaient par la caboche, et ça me turlupinait rudement de n’en pas pouvoir accoucher. Voir cette fin de siècle, dégueulasse au possible, où tout est menteries, crapuleries et brigandages, — et assister la bouche close à tout ça : nom de dieu, je pouvais pas m’y faire !

Le sang me bouillait de voir les cochons du gouvernement s’engraisser à nos dépens ; de ces bougres-là, y en a pas un seul qui vaille mieux que l’autre. Dans les Chambres, de l’Extrême-Droite à l’Extrême-Gauche, il n’y a qu’un tas de salopiauds tous pareils : Cassagnac, Freppel, Ferry, Floquet, Boulanger, Basly et les autres, c’est tous des bouffe-galette !

La rosserie des patrons aussi me foutait en rage. Ces chameaux-là n’en fichent pas un coup ! Ils rappliquent à l’atelier une fois leur chocolat liché ; ce qu’ils savent faire chouettement, c’est gueuler après les compagnons et palper la bonne argent, — sortis de là, y a plus personne.

Y a bien les journalistes de métier qui pourraient parler et en dire long, contre les riches et les puissants ; mais voilà, ils trouvent plus profitable de rabâcher les vieilles balançoires. Le nez au cul des bourgeois, des financiers, des gouvernants, ils ne cherchent qu’à empocher des pièces de cent sous.

Et dam, comme ils y trouvent leur profit, ils sont muets comme des carpes. — Y a pas, c’est un truc épatant pour empêcher les chiens de mordre, que de les attacher avec des saucisses !…

Donc, je répétais souvent : y aura donc pas un gas à poil qui ait le nerf de gueuler toutes ces vérités, nom de dieu ?

À force d’y penser, d’en causer avec des copains, je me suis dit : « Pourquoi pas moi ? Si l’instruction est un peu de