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juges admirent davantage le tombeau de l’infant. Les jours de ce jeune homme furent courts et mauvais. Au temps de son frère aîné Henri IV l’impuissant, qui sépare les deux règnes de Juan II et d’Isabelle, Alfonse tomba au pouvoir des factieux. Les chefs de la noblesse castillane n’eurent pas horreur de mettre une main violente sur un enfant, de l’engager dans une lutte fratricide, pour l’assouvissement de leurs ambitions. C’est lui qui figure dans cette scène mémorable, racontée par un contemporain « Dans la plaine auprès d’Avila, on dressa un échafaud, sur lequel fut placée une effigie du roi Henri, assis sur un trône et en habits de deuil. On lut ensuite devant la foule immense les griefs qu’on avait contre le roi, et on le déclara indigne de régner alors l’archevêque de Tolède s’approcha de l’effigie et lui ôta la couronne. On le déclara indigne de rendre la justice, et le comte de Placencia lui ôta l’épée. On le déclara indigne de gouverner, et le comte de Benavente lui arracha le sceptre. Enfin on le précipita du trône ignominieusement. Puis l’infant don Alfonse y fut placé, l’étendard royal déployé ; et tout le peuple cria : « Castille, « Castille pour le roi Alfonse[1] » Mais le jeune

  1. Henrique del Càstillo, traduction de M. Ternaux. Calderon a transporté cette scène dans sa belle tragédie, el Principe e dé Fez, quand le prince musulman, à la veille de se faire chrétien, poursuivi par les prestiges du démon, voit en songe son peuple soulevé contre lui, son effigie précipitée du trône, et son jeune fils couronné à sa place.