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chez Dante, désormais établi en maître sur le Parnasse castillan[1]. Ceux-ci ne manquent guère de s’égarer dans quelque forêt, d’y rencontrer un personnage mystérieux qui leur sert de guide, et les conduit en un lieu d’où ils découvrent l’ensemble des choses divines et humaines. Cependant, comme on n’approche pas impunément des grands modèles, Juan de Mena doit à l’imitation de la Divine Comédie une élévation de pensée qui le porte bien au-dessus de ses contemporains. Les esprits légers en plus grand nombre s’engagent~ la suite des Provençaux ils préfèrent cette poésie galante qui allume tant de feux, aiguise tant de flèches, mais qui d’ordinaire ne coûte pas la vie à ses adeptes. Si le trop sensible Macias mourut victime de sa passion, ce cas unique fit l’admiration de la postérité, et les heureux versificateurs de la cour de Juan II rimaient en paix les Mandements d’amour, les Plaids d’amour, les Pénitences d’amour, la Prison d'amour, et même l’Enfer d’amour. Après les grands récits de l’épopée nationale, ces jeux d’esprit sont misérables, et cet art d’imitation ne semble plus qu’un art de décadence. Mais ici, comme souvent, la décadence cache un progrès. Le culte

  1. Cancionero de Baena, pag. 261. Requesta de Alfonso Alvares contra Ferrant Manuel

    A Dante, el poeto, gran conponedor,
    Me disen, amigo, que reprehendistes.
    Si este es verdad, en poco tuvistes
    Lo que el mundo tiene por de gran valor.