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non sans quelque justice, puisque nous allons visiter des lieux pleins de sa mémoire, puisque la splendeur poétique de son règne se réfléchira sur les œuvres d’art qui nous charmeront. Vous me soupçonnerez de glisser ici, sous le couvert d’un voyage, les chapitres détachés d’une histoire de la littérature espagnole. Me garde le ciel de cet excès de perfidie ! Mais comment nierai-je que pour moi l’attrait, la magie du voyage est de me transporter non-seulement dans d’autres lieux, mais en d’autres siècles ? Ces grandes contrées historiques ne seraient à mes yeux que de lamentables cimetières, si je ne faisais revivre en passant les générations qui les ont peuplées. Et je ne sais enfin ranimer ces générations qu’en leur rendant la parole, surtout. la parole des poëtes, qui exprime, avec plus de naïveté, de verve et d’éclat, la pensée de tous. Nous voici donc en plein quinzième siècle. Nous n’entendons plus ces poëtes guerriers que saint Ferdinand menait avec lui dans les combats, ces chansons de geste que les anciens chevaliers faisaient chanter à leur table. Peu à peu les ballades héroïques, avec la simplicité de leur style, avec l’irrégularité de leur versification, n’ont plus réuni, autour de quelque chanteur aveugle, qu’un auditoire ignorant de paysans et de soldats. Une autre poésie est venue faire le passe-temps d’une société riche, délicate et exigeante. Les troubadours de Provence hantent les cours d’Aragon et de Castille. Ils y ont