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autre époux qui est vivant et qui reparaîtra un jour ; elle répudie ces noces indignes, elle repousse ceux qui la poursuivent, et, en attendant, elle achève de tisser ce voile précieux de science et de vertu dont elle doit se parer au jour où l’époux viendra pour célébrer avec elle la fête nuptiale. Allons plus loin. La Providence n’avait point créé une âme aussi prodigieuse que celle de saint Thomas pour lui donner un rôle passager, pour en faire la pierre d’achoppement d’une institution politique. La féodalité, comme toute chose terrestre, recèle deux principes, dont l’un est bon, l’autre mauvais : un principe de générosité, d’honneur, de chevalerie, et aussi un principe d’égoïsme, qui tend à tirer, tout à soi, à multiplier le travail et l’obéissance du grand nombre pour accroître le bien-être de quelques-uns. L’Église, chose céleste, n’a qu’un principe unique, un principe excellent, la charité. Égoïsme et charité, ce sont deux forces rivales qui, depuis le commencement, se disputent le monde. L’égoïsme se produit dans les sociétés sous deux formes qui lui sont chères : despotisme et anarchie. La charité dans l’Église oppose tour à tour la liberté au despotisme, et à l’anarchie l’autorité. Si elle protège aujourd’hui la vieillesse des royautés européennes, si elle met à l’abri de l’insulte la tête blanchie des souverains, elle protégea au moyen âge l’enfance des peuples, elle empêcha que leurs langes ne devinssent des chaînes. Quand