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voisins, tandis que la France et les Pays-Bas brûlaient du feu de la guerre civile qu’elle avait attisée, et que le sol de l’Écosse était couvert de ruines lamentables qu’elle y avait faites, lorsque Marie Stuart captive n’avait plus que deux ans à vivre. Puis, abordant un autre sujet d’éloges, les attraits et les grâces de cette vierge royale alors âgée de plus d’un demi-siècle, les expressions lui manquent; il invoque Virgile à son aide, il emprunte à ce poëte, le plus chaste et le plus royaliste de tous, un hémistiche pour chacune des perfections de son héroïne : pour sa démarche : Et vera incessu patuit dea; pour sa voix : Nec vox hominum sonat ; pour ses yeux : Et laetos oculis afflavit honores  ; pour son teint : Indum sanguineo veluti violaverit ostro si quis ebur.[1] Enfin, ne sachant plus que

  1. Il parait que tout le monde n’était pas de cet avis. L’ambassadeur de Venise, qui avait vu Élisabeth dans tout l’éclat de sa beauté lors de son entrée à Londres avec sa sœur Marie, en écrit en ces termes « Elisabeth e piuttosto graziosa che bella, olivastra di « complessione. » J’omets plusieurs citations de Virgile, une entre autres, sur laquelle Bacon fait une indécente équivoque ou un grossier contre-sens. Je penche pour le contre-sens, d’autant plus que d’autres faits semblent prouver que Bacon ne possédait pas d’abord une bien profonde connaissance de la langue latine. Pour mieux faire comprendre de quel encens lourd et épais la vanité d’Élisabeth aimait à se repaître, je traduis ici une lettre que lui adressait Bacon le premier jour de l’année : « Selon l’usage solennel de ce jour, je ne voudrais point manquer de me présenter en toute humilité devant Votre Majesté, et de mettre à ses pieds un modeste cadeau. Et pour suppléer à l’insuffisance de mon offrande, je prie Dieu de donner moi-même à Votre Majesté un présent de nouvelle année, je veux dire une année qui n’en soit pas une pour votre personne, et qui en vaille deux pour vos coffres : puisse-t-elle d’ailleurs être joyeuse et prospère ! »