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l’Encyclopédie ; Voltaire, Naigeon, Condorcet et tous les hommes de la ligue antichrétienne tirèrent de son tombeau le grave et religieux philosophe de Vérulam, le revêtirent de leur livrée, le firent asseoir à leur banquet de sophistes et l’accablèrent de l’infamie de leurs louanges.

Mais ces outrages posthumes ne sauraient atteindre la mémoire de Bacon. S’il se trompa, l’erreur est chose humaine ; si dans la coupe qu’il avait préparée se glissa le poison de l’athéisme, ce fut à son insu, et il ne la vida point jusqu’au fond. Aujourd’hui l’influence funeste exercée par ses doctrines commence à s’épuiser ; la philosophie sensualiste a rendu le dernier soupir ; les connaissances naturelles elles-mêmes semblent céder a une impulsion meilleure : l’heure mauvaise est passée, le bienfait subsiste. Le bienfait de Bacon, c’est d’abord d’avoir arraché les hommes de son temps au sommeil léthargique dans lequel ils restaient ensevelis, d’avoir ébranlé l’orgueilleuse paresse de l’école, porté le dernier coup à l’empire vermoulu d’Aristote, et révélé la véritable destinée de la science. C’est encore d’avoir fuit comprendre que la nature déborde de toutes parts les formules où la raison voudrait l’emprisonner, et qu’on ne la subjugue qu’à condition de la connaître. C’est enfin d’avoir préparé les voies et donné l’exemple d’une exploration consciencieuse et féconde. Dès lors le monde matériel fut ouvert