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Il ne nous est pas donné de creuser plus avant dans les origines de la littérature espagnole. Ce sont les beautés simples, qui commencent les grandes littératures, comme les mœurs fortes et chastes fondent les grands empires. Burgos, la ville des héros, deviendra la capitale des rois.

Pendant que j’erre ainsi à travers les ruines et les souvenirs, je m’aperçois que j’inquiète mes amis. Vous avez ouï beaucoup médire de l’Espagne, et vous craignez qu’au retour de tant de courses je ne trouve guère meilleure chère que les compagnons du Cid, campés sur la grève de l’Arlanzon. Mais laissez-moi venger ce beau et trop calomnié pays. Si l’on n’y admire pas les splendides hôtels où l’hospitalité moderne rançonne le visiteur de Londres et de Paris, on y dort sous des toits honnêtes et sur des couches décentes et, si les chambres sont tout au plus bourgeoises, les cuisines sont encore héroïques. Jamais je ne vis suspendue au plancher une plus riche collection de lèche frites, de casseroles et de chaudrons. Je contemplais surtout des files de marmites qui me rappelaient (pardonnez-moi encore cette réminiscence d’Homère) la longue file des servantes de Pénélope que Télémaque pend à la même corde en punition de leur perfidie. Au milieu de la pièce se projette en saillie le manteau de la cheminée patriarcale, où le voyageur mouillé et transi trouve accueil, sans scandaliser un essaim de cuisinières, habituées à