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Ainsi des débris assemblés de ces systèmes surannés, incohérents, modifiés d’après les exigences de l’époque, le nouveau révélateur a prétendu former un colosse. Puis, tel qu’un autre Prométhée, il a voulu, pour lui donner la vie, ravir le feu du ciel il a saisi quelques-unes de ces idées sublimes, créatrices, qui appartiennent au catholicisme. Le plan de la hiérarchie religieuse ; le précepte de l’amour, l’idée même de l’association universelle, sont autant de grandes et fécondes doctrines que l’Eglise revendique.

Mais lorsque Saint-Simon aspire à devenir original et s’écarte du Christianisme qui lui sert de modèle[1], aussitôt sa doctrine présente ou un mouvement rétrograde remarquable, ou une exagération ridicule. Jésus-Christ annonçait l’égalité des hommes aux yeux de Dieu, et la rétribution selon les œuvres dans la patrie céleste ; Saint-Simon enseigne l’égalité des hommes à leurs propres regards, et le jugement définitif sur la terre. L’Homme-Dieu de Nazareth affranchissait la femme et brisait les fers de l’esclave : le philosophe français veut, malgré la nature, égaler la femme à l’homme et détruire la propriété. L’un proclame une vaste société religieuse où tous vivront dans une communauté de croyance ; l’autre prêche une association politique où tous,

  1. Nouveau Christianisme, c’est le titre d’un des ouvrages de Saint-Simon.