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et d’entourer encore de quelque aisance le berceau de leur jeune famille !

Pourquoi donc taire au peuple ce qu’il sait, et le flatter comme les mauvais rois ? C’est la liberté humaine qui fait les pauvres : c’est elle qui tarit ces deux sources primitives de toute richesse, l’intelligence et la volonté, en laissant l’intelligence s’éteindre dans l’ignorance ; la volonté s’affaiblir par l’inconduite. Les ouvriers le savent mieux que nous en temps ordinaires, en dehors des années de disette et de révolution, la terre de France n’est pas ingrate ; le nombre de ceux qui n’y parviennent pas à vivre de leur travail n’est pas d’un sur quinze, et de ce nombre la moitié n’est tombée dans l’indigence que par défaut de lumières ou de moralité, par l’incapacité, l’imprévoyance, qui a rendu leur métier stérile dans leurs mains, ou par le libertinage, qui en a dissipé les fruits.

A Dieu ne plaise que nous pensions calomnier ceux que l’Evangile bénit, rendre les classes souffrantes responsables de leurs maux et servir l’insensibilité des mauvais cœurs qui se croient dispensés de secourir le pauvre quand ils ont établi ses torts ! Nous serions aussi justes de nous en prendre si l’indifférence et à l’égoïsme des chefs d’industrie, si la plupart n’ont jamais songé aux besoins moraux de leurs ouvriers, s’ils leur refusent, avec le repos du septième jour, le droit de s’arracher la misérable condition d’instruments de travail, s’il est vrai