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trats seulement dans les choses qu’ils jugeraient eux-mêmes honnêtes et raisonnables ; c’était le droit d’insurrection des minorités et la consécration de la guerre civile. Aussi les propositions des paysans de Souabe furent-elles appuyées de quarante mille lances, et l’Allemagne, qui avait laissé crouler la moitié de sa hiérarchie ecclésiastique, put croire un moment à la ruine de son antique féodalité. Cependant les anabaptistes succombèrent dans deux combats ; et, après que Jean de Leyde, successeur de Muncer, eut expié sur la roue la courte joie d’avoir réalisé dans la ville de Munster le royaume de Dieu, la secte dispersée se réduisit aux paisibles colonies des frères Moraves, qui donnèrent à l’Europe protestante le spectacle honorable de leur régularité, et le spectacle instructif de leur petit nombre[1].

En poursuivant dans une période de quinze cents ans les erreurs du socialisme, nous n’avons pas voulu nous donner le misérable plaisir de l’humilier et de prendre ses disciples en flagrant délit de plagiat. Nous estimons au contraire que le temps, qui ajoute à la majesté de la vérité, fait aussi la puissance de l’erreur. Pour qu’une opinion fausse résiste durant tant de siècles à l’autorité des anathèmes, à la rigueur des lois, à la supériorité des armes, il faut qu’elle ait ses racines dans les plaies les plus pro-

  1. Arnold. Mestrov., historia anabapt, lib. I. Sleidan, comment., I, p.128.