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blissement d’une société toute divine et devant qui la personne humaine n’est rien. Le Dieu qui a formé les hommes a mêlé de l’or dans la composition de ceux qui doivent gouverner : il a mis de l’argent dans les guerriers, du fer et de l’airain dans les laboureurs et les artisans. Cependant, d’une génération à l’autre, l’or peut se changer en argent, et ainsi des autres métaux. C’est aux magistrats de prendre garde au métal que le dieu mêle aux âmes des enfants, de pourvoir à leur éducation et de les ranger dans les conditions d’où ils ne sortiront plus. Cette constitution implique l’abolition de la propriété. Platon veut que les guerriers de sa République ne possèdent rien en particulier ; « qu’ils ce n’aient ni maisons ni magasins qui ne soient ouverts, qu’ils vivent ensemble comme des soldats au camp assis à des tables communes. » Les législateurs anciens s’étaient arrêtés là. Mais il fallait que le philosophe poussât ses doctrines à leurs dernières conséquences. Après avoir ôté à la liberté humaine l’appui de la propriété, il ne lui laisse pas le refuge de la famille. De peur que la société domestique ne dispute à l’État le cœur des citoyens, il la brise, il arrache les deux sexes aux devoirs vulgaires du mariage et de la paternité, pour leur partager les charges publiques : il violente toute la nature. Les femmes des guerriers seront appelées aux fatigues, aux périls, à la gloire des hommes. En retour, elles seront communes toutes à tous ;