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sièges. Cette route mélancolique et menaçante était cependant la plus fréquentée des pèlerins qui se rendaient de France ou d’Italie à Saint-Jacques de Compostelle. Que de pauvres gens y cheminèrent dans les larmes, allant chercher la rémission de leurs péchés, la guérison d’un malade, la délivrance d’un captif ! Et à travers quels périls, quand les bandes sarrasines battaient le pays, quand les eaux débordées emportaient les chaussées et les ponts ! On lit dans la légende de sainte Bonne, vierge de Pise, que, faisant le pèlerinage de Saint-Jacques avec une grande troupe de fidèles réunis par le même danger, elle arriva au bord d’un torrent dont le pont était ruiné de telle sorte que nul de la compagnie n’osait le franchir. Et le Christ apparaissant à la sainte, lui dit « Lève les bras vers le ciel et passe. » Or, comme elle commençait à marcher sur les poutres chancelantes, ses compagnons lui criaient : « Madame, ne vous hasardez point : car vous vous noierez sans faute. » Mais au même moment une multitude de saints descendirent du ciel, papes, évêques, la mitre en tête et couverts de leurs ornements, et ils se rangèrent dans le torrent des deux côtés du pont : et la pèlerine passa. Quand elle fut sur l’autre rive, le Christ lui dit encore : « Appelle tes compagnons, car nul d’entre eux ne périra, si tu tiens les mains levées au ciel tandis qu’ils traverseront les eaux. » Quelques-uns des pèlerins hésitaient à s’achemi-