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beauté qu’on appelle la grâce. Homère le savait bien, et c’est pourquoi, s’il donnait à l’Océan des dieux terribles et des monstres, il le peuplait en même temps de nymphes et de sirènes enchanteresses. J’ai vu le jour s’éteindre au fond du golfe de Gascogne, derrière les monts Cantabres dont les lignes hardies se découpaient nettement sous un ciel très-pur. Ces montagnes-plongeaient leur pied dans une brume lumineuse et dorée qui flottait au-dessus des eaux. Les lames se succédaient azurées, vertes, quelquefois avec des teintes de lilas, de rosé et de pourpre, et venaient mourir sur une plage de sable, ou caresser les rochers qui encaissent la plage. Le flot montait contre l’écueil et jetait sa blanche écume, où la lumière décomposée prenait toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Les gerbes capricieuses jaillissaient avec toute l’élégance de ces eaux que l’art fait jouer dans les jardins des rois. Mais ici, dans le domaine de Dieu, les jeux sont éternels. Chaque jour ils recommencent et varient chaque jour, selon la force des vents et la hauteur des marées. Ces mêmes vagues, si caressantes maintenant, ont des heures de colère où elles semblent déchaînées comme les chevaux de l’Apocalypse ; alors leurs blancs escadrons se pressent pour donner l’assaut aux falaises démantelées qui défendent la terre. Alors on entend des bruits terribles, et comme la voix de l’abîme redemandant la proie qui lui fut arrachée aux jours du déluge. Au delà de cette variété